La simple détention d’informations confidentielles par le salarié créateur d’une société concurrente constitue un acte de concurrence déloyale

La simple détention d’informations confidentielles par le salarié créateur d’une société concurrente constitue un acte de concurrence déloyale

Cass. com. 7 décembre 2022, n°21-19.860, publié au bulletin

 

Ce qu’il faut retenir :

Le seul fait, pour une société à la création de laquelle a participé l'ancien salarié d'un concurrent, de détenir des informations confidentielles relatives à l'activité de ce dernier et obtenues par ce salarié pendant l'exécution de son contrat de travail, constitue un acte de concurrence déloyale.

 

Pour approfondir :

 

En l’espèce, la société X, qui exerce une activité d'administration d'immeubles, a assigné la société Y en concurrence déloyale, reprochant à cette société, créée par deux de ses anciens salariés, d'avoir illicitement démarché sa clientèle.

Par jugement du 14 mai 2019, le tribunal de commerce de Meaux a condamné la société Y à verser à la société requérante la somme de 209.767 euros au titre du préjudice matériel subi par cette dernière et consécutif à la baisse de son chiffre d’affaires.

À la suite de l’appel interjeté par la société Y, la cour d’appel de Paris a dans un arrêt du 25 mai 2021 infirmé le jugement.

 

L'arrêt attaqué retenait que le « simple transfert d’informations, pour l’un très ancien, avant même les projets de création de la société [Y], ne saurait être jugé comme fautif en l’absence de preuve de leur exploitation par un moyen fautif de la part des anciens salariés de la société (X] ». La cour d’appel de Paris a ainsi jugé que le seul fait pour les anciens salariés d’avoir, avant leur départ, récupérer les fichiers clients, en l’espèce les listes de résidences et les listes des adresses de messagerie électronique des conseils syndicaux de résidences gérées par la société requérante,  n'était pas fautif en l'absence de preuve de l'exploitation de ces informations.

Dans un arrêt du 7 décembre 2022, publié au bulletin, la Cour de cassation casse l’arrêt d’appel en toutes ces dispositions.

 

Premièrement, la Cour retient que « constitue un acte de concurrence déloyale le fait, pour une société à la création de laquelle a participé le salarié d'une société concurrente, de débuter son activité avant le terme du contrat de travail liant ceux-ci ».

Les tribunaux rappellent régulièrement que le salarié est tenu à un engagement de non-concurrence, lequel s’applique même en l’absence d’une clause de concurrence insérée au sein du contrat de travail.

 

Par ailleurs, un ancien salarié demeure libre de créer une société dont l’activité pourra être en concurrence à celle de son ancien employeur, à la condition que cette concurrence ne soit postérieure au terme du contrat de travail.

 

Toutefois, conformément à la jurisprudence,  la Haute juridiction retient que la participation à la création de la société concurrente par un salarié dont l’activité débute avant même que le contrat de travail dudit salarié ne soit arrivé à son terme, constitue un acte de concurrence déloyal. La notion de participation fait référence aux actes d’exploitation d’une société.

Partant, pour caractériser la concurrence déloyale, les juges du fond auraient dû tenir compte de l’offre commerciale présentée par l’ancien salarié à un client de la société requérante,  antérieurement au terme de son contrat de travail. Dit autrement, les juges du fond auraient ainsi dû vérifier que l’offre commerciale présentée par la société concurrente n’était pas en réalité un acte d’exploitation commis par la société concurrente avant la fin du contrat de travail de l’ancien salarié. Il est d’ailleurs peu important que les autres éléments du dossier aient pu suggérer   « un début d’activité effectif » postérieur à la fin du contrat de travail et qu’aucune clause de non-concurrence n’ait été stipulée.

 

Deuxièmement, la Cour retient au visa de l’article 1240 du Code civil que « le seul fait, pour une société à la création de laquelle a participé l'ancien salarié d'un concurrent, de détenir des informations confidentielles relatives à l'activité de ce dernier et obtenues pendant l'exécution de son contrat de travail, constitue un acte de concurrence déloyale ».

Partant, la Cour affirme le principe selon lequel la société concurrente créée par un ancien salarié commet un acte de concurrence déloyale par le seul fait que ce dernier détienne le fichier clients de son ancien employeur.

 

La liberté d’entreprendre de l’ancien salarié s’arrête là où commence la concurrence déloyale.

 

A rapprocher :

 

Un article rédigé par Fanny Barrach du département Distribution, Concurrence, Consommation