Clause abusive : résiliation de plein droit du contrat et préavis raisonnable

Clause abusive : résiliation de plein droit du contrat et préavis raisonnable

Cass. civ. 1ère, 22 mars 2023, n°21-16.044

 

Ce qu’il faut retenir :

Par un arrêt rendu en mars 2023, la Cour de cassation s’est prononcée sur la validité de la clause d’un contrat de prêt immobilier prévoyant la résiliation de plein droit du contrat après une mise en demeure de régler une ou plusieurs échéances impayées, sans pour autant imposer le respect d’un préavis d’une durée raisonnable. Selon la Cour, une telle clause crée un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au détriment du consommateur, ce dernier étant exposé à une aggravation soudaine de ses conditions de remboursement.

 

Pour approfondir :

Une banque a consenti un prêt immobilier à M. et Mme W. par acte notarié en date du 22 juillet 2008. Après déchéance du terme, la banque a engagé une procédure d’exécution forcée sur des immeubles dont les emprunteurs étaient propriétaires. Ces derniers ont invoqué le caractère abusif tant de la clause de déchéance du terme que de la clause pénale.

Par un arrêt du 18 février 2021, la cour d’appel de Metz a : rejeté les demandes des époux, fixé la créance de la banque et ordonné la vente forcée de leurs immeubles par adjudication.

 

Un pourvoi en cassation a été formé par les emprunteurs, articulé en plusieurs moyens.

1) Tout d’abord, les époux W. faisaient grief à l’arrêt de fixer la créance de la banque et de rejeter leurs demandes alors que dans les contrats conclus entre professionnels et consommateurs, les clauses ayant pour objet ou pour effet d’imposer au consommateur, qui n’exécute pas ses obligations, une indemnité d’un montant manifestement disproportionné sont présumées abusives, sauf au professionnel à rapporter la preuve contraire.

En l’espèce, la clause litigieuse du contrat de prêt immobilier prévoyait que le consommateur, débiteur défaillant, était tenu au versement d’une indemnité contractuelle de 7% du capital restant dû et des intérêts échus et non payés à son créancier professionnel.

Les demandeurs au pourvoi faisaient grief à la cour d’appel d’avoir considéré que cette clause n’était pas abusive, faute de disproportion du montant ainsi stipulé et ce, contrairement aux disposition des articles L. 212-1 et R. 212-1 du Code de la consommation.

 

Les emprunteurs faisaient également valoir que le juge a le pouvoir de modérer ou d’augmenter le montant résultant de l’application d’une clause pénale si cette clause est manifestement excessive ou dérisoire, en considération du préjudice subi par le créancier. Les époux W. faisaient grief à la cour d’appel d’avoir considéré que le montant de la clause pénale, correspondant à 7% des sommes dues par les emprunteurs à la banque n’était pas disproportionné, sans caractériser le préjudice subi par la banque en raison de l’absence de paiement.

La Cour de cassation a rejeté ce moyen, en approuvant le raisonnement de la cour d’appel qui énonce que la clause ne dérogeait pas aux dispositions du code de la consommation et que les emprunteurs ne démontraient pas qu’elle créait un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties, et qu’ainsi elle n’était pas abusive.

 

2) Ensuite, les emprunteurs faisaient valoir qu’est abusive la clause d’un prêt conclu entre un professionnel et un consommateur, par laquelle le créancier s’autorise à prononcer la déchéance du terme huit jours après une mise en demeure infructueuse, en raison d’un manquement du débiteur à son obligation de remboursement de tout ou partie d’une échéance du prêt à la date prévue, sans prévoir de mécanisme permettant la régularisation d’un tel retard de paiement. Les demandeurs au pourvoi se fondaient notamment sur l’article L. 132-1 du code de la consommation (devenu l’article L. 212-1 du même code).

La Cour de cassation, réceptive à cette argumentation, considère que la clause qui prévoit la résiliation de plein droit du contrat de prêt après une mise en demeure d’avoir à régler une ou plusieurs échéances impayées sans prévoir de préavis d’une durée raisonnable crée un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties. Ce déséquilibre significatif est au détriment du consommateur, qui est exposé à une aggravation soudaine des conditions de remboursement.

 

La clause, ainsi rédigée, est abusive au sens de l’article L. 132-1 du code de la consommation (devenu L.212-1 du même code) aux termes duquel « dans les contrats conclus entre professionnels et non-professionnelles ou consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du non-professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat ».

 

Cette décision de la Cour de cassation, dont la position peut paraitre sévère pour la banque, pose en réalité plusieurs questions auxquelles la jurisprudence à venir devra répondre, notamment concernant le délai de préavis pouvant être considéré comme raisonnable par les différentes juridictions.

 

Un article rédigé par Auriane Sepval du département Distribution, Concurrence, Consommation