Astreinte et temps de travail effectif

Astreinte et temps de travail effectif

Cour de cassation, chambre sociale, 26 octobre 2022, n° 21-14.178

 

Ce qu’il faut retenir :

 

Lorsque le salarié est soumis à des contraintes d’une intensité telle qu’elles affectent objectivement et significativement sa faculté à vaquer à ses occupations personnelles, ses astreintes seront requalifiées en temps de travail effectif.

 

Pour approfondir :

 

Dans les faits ayant donné lieu à cet arrêt, un salarié avait été engagé en tant que dépanneur au sein d’une entreprise exerçant une activité de dépannage de véhicules, et ce notamment pour assurer une permanence afin d’intervenir sur une portion délimitée d’autoroute.

 

Par la suite, le salarié avait formulé diverses demandes auprès de son employeur, parmi lesquelles une demande de paiement d’heures supplémentaires au motif que ses astreintes constituaient en réalité du temps de travail effectif.

 

C’est ici l’occasion de rappeler la différence entre le temps de travail effectif et le régime de l’astreinte. Dans le premier cas, le salarié est à la disposition de l’employeur et se conforme à ses directives sans pouvoir vaquer à ses occupations personnelles. Dans le second cas, le salarié, sans être à la disposition permanente et immédiate de son employeur, doit être en mesure d’intervenir pour effectuer un travail au service de l’entreprise, la durée de cette intervention étant considérée comme du travail effectif.

 

La Cour d’appel d’Amiens avait rejeté la demande du salarié relative au paiement d’heures supplémentaires, estimant qu’il s’agissait de périodes d’astreinte et non des permanences constitutives de temps de travail effectif.

 

Dans son arrêt en date du 22 octobre 2022, la Cour de cassation a infirmé la décision d’appel aux motifs suivants :

 

« Pour débouter le salarié de ses demandes à titre d’heures supplémentaires, l’arrêt retient que, conformément aux dispositions de la convention collective applicable, les dépanneurs de la société étaient tenus de se tenir en permanence ou à proximité immédiate des ou dans les locaux de l’entreprise, en dehors des heures et jours d’ouverture, afin de répondre sans délai à toute demande d’intervention. L’arrêt ajoute qu’il était constitué des équipes de trois ou quatre dépanneurs, munis d’un téléphone qui intervenaient à la demande de dispatcheur, lequel contrairement aux autres salariés, était spécialement affecté à la réception continue des appels d’urgence. L’arrêt en déduit que ces périodes étaient des astreintes et non pas des permanences constituant un temps de travail effectif.

 

En se déterminant ainsi, alors que le salarié invoquait le court délai d’intervention qui lui était imparti pour se rendre sur place après l’appel de l’usager, sans vérifier si le salarié avait été soumis, au cours de ses périodes d’astreinte à des contraintes d’une intensité telle qu’elles avaient affecté, objectivement très significativement, sa faculté de gérer librement, au cours de ces périodes, le temps pendant lequel ses services professionnels n’étaient pas sollicités et de vaquer à des occupations personnelles, la cour d’appel a privé sa décision de base légale ».

 

Ce faisant, la Haute juridiction a repris le raisonnement posé par la Cour de justice de l’Union Européenne aux termes d’un arrêt récent (CJUE 9 mars 2021, C-344/19 C/ Raduitelevizija Slovenija).

 

Ainsi, la qualification du temps de travail va dépendre de la nature et du degré des contraintes imposées au salarié au cours de la période d’astreinte. Si celles-ci sont d’une intensité telle qu’elles affectent « très significativement » sa faculté de gérer son temps disponible et de vaquer à ses occupations personnelles, la période d’astreinte sera alors considérée comme du temps de travail effectif. A l’inverse, seul le temps passé à la prestation de travail proprement dite durant la période d’astreinte, sera considéré comme du temps de travail effectif.

 

 

A rapprocher : Article L.3121-1 du Code du travail et ancien article L. 3121-5 du Code du travail

 

Un article rédigé par Annaël Bashan, Morgane Tarisse, Ambre Corbin et Carine Cooper du département droit Social