Suspension des effets de la lettre de résiliation ne respectant pas les dispositions de l’article 1226 du code civil

Suspension des effets de la lettre de résiliation ne respectant pas les dispositions de l’article 1226 du code civil

CA Paris, pôle 1 ch. 3, 1er févr. 2023, n° 22/15022

 

Ce qu’il faut retenir :

 

La résiliation unilatérale d’un contrat qui, en dehors de toute urgence, n’a pas été précédée d’une mise en demeure, constitue une violation manifeste de l’article 1226 du code civil, et par conséquent un trouble manifestement illicite qu’il appartient au juge des référés de faire cesser.

 

Pour approfondir :

 

Dans cette affaire, une société exploitant un réseau de salles de sport a conclu avec une autre société et son dirigeant, le 2 août 2018, un contrat de licence de marque et d’affiliation à son réseau pour une durée de 7 ans. Le dirigeant avait par ailleurs contracté un précédent contrat de licence portant sur l’exploitation d’un autre club de sport.

 

La société licenciée et son dirigeant ont brusquement résilié le contrat de licence du 2 août 2018 le 27 juillet 2022, avec prise d’effet le 27 août 2022, et sans mise en demeure préalable.

 

La tête de réseau a alors assigné en référé la société et son dirigeant afin de voir ordonner la cessation du trouble manifestement illicite constitué par la résiliation irrégulière du contrat de licence.

 

La cour d’appel de Paris donne raison à la tête de réseau et infirme l’ordonnance du juge des référés qui avait l’avait déboutée de ses demandes.

 

Depuis la réforme du droit des contrats, l’article 1224 du code civil prévoit trois modes de résolution du contrat : l’application d’une clause résolutoire ou, en cas d’inexécution suffisamment grave, une notification du créancier au débiteur ou une décision de justice.

 

Pour ce qui concerne la résolution par notification du créancier au débiteur, l’article 1226 exige que le créancier, sauf urgence, mette préalablement en demeure le débiteur défaillant de satisfaire à son engagement dans un délai raisonnable, laquelle mise en demeure doit mentionner expressément qu'à défaut pour le débiteur de satisfaire à son obligation, le créancier sera en droit de résoudre le contrat.

 

En l’espèce, le dirigeant a notifié à la tête de réseau la résiliation du contrat de licence en évoquant trois motifs, à savoir le refus abusif du renouvellement du précédent contrat de licence ; l’existence d’un comportement déloyal de la tête de réseau tenant à l’existence d’un logiciel permettant un accès illimité sans autorisation aux activités des clubs de sport du licencié et l’absence d’assistance.

 

La cour d’appel constate d’une part que le dirigeant fait état de manquements qui concernent pour certains le premier contrat de licence, alors que ce contrat n’est pas affecté par la résiliation unilatérale et, d’autre part, que cette résiliation n’a pas été précédée d’une mise en demeure préalable du débiteur défaillant de satisfaire à son engagement dans un délai raisonnable ; par ailleurs, cette lettre de résiliation n’évoque pas d’urgence.

 

La cour constate par ailleurs que le courrier envoyé par le licencié par lequel il demandait à la tête de réseau de l’exonérer de la clause de non-concurrence contractuelle du contrat de licence, sous peine de résiliation unilatérale du contrat, ne visait aucune inexécution contractuelle de la tête de réseau et articulait un grief qui n’est pas repris dans la lettre de résiliation, et ne peut donc constituer la mise en demeure prévue à l’article 1226 du code civil.

 

Sans qu’il y ait lieu d’apprécier le bien-fondé des causes de la résiliation, il convient de considérer que la résiliation unilatérale par la société licenciée et son dirigeant du contrat de licence constitue une violation grossière de l’article 1226 du code civil, en l’absence d’urgence et de mise en demeure préalable, s’analysant en un trouble manifestement illicite au sens de l’article 873 du code de procédure civile, en conclue la cour d’appel de Paris.

 

La cour d’appel suspend ainsi les effets de la lettre de résiliation et enjoint au licencié et à son dirigeant de poursuivre l’exécution du contrat de licence.

 

A rapprocher :

 

Un article rédigé par Lorene Murat du département Concurrence, Distribution, Consommation