Rupture du contrat à l’initiative de l’agent commercial : l’indemnité de fin de contrat prévue à l’article L. 134-12 du Code de commerce reste due même en cas de faute grave de l’agent

Rupture du contrat à l’initiative de l’agent commercial : l’indemnité de fin de contrat prévue à l’article L. 134-12 du Code de commerce reste due même en cas de faute grave de l’agent

Cass. com.,16 novembre 2022, n°21-10.126

 

Ce qu’il faut retenir :

 

Lorsque la cessation du contrat d'agence commerciale résulte de l'initiative de l'agent et qu'elle est justifiée par des circonstances imputables au mandant, la réparation prévue à l'article L. 134-12 du Code de commerce demeure due à l'agent, quand bien même celui-ci aurait commis une faute grave dans l'exécution du contrat.

 

Pour approfondir :

 

Un mandataire a conclu plusieurs contrats d’agent commercial successifs avec une société mandante, depuis l’année 2010.

 

Par acte du 26 mars 2018, le mandataire a assigné la société mandante en justice afin que soit prononcée la résolution de son contrat d’agent commercial aux torts exclusifs de cette dernière, et que celle-ci soit condamnée à lui verser diverses sommes, ce à quoi les juges de première instance ont fait droit.

 

La société mandante a alors interjeté appel du jugement, soutenant que l’agent commercial avait commis des fautes graves justifiant qu’il soit privé de son droit à indemnité en application des dispositions de l’article L. 134-13 du Code de commerce. Elle se prévalait du manquement de l’agent commercial au devoir de loyauté impliquant à la fois un devoir d’information et une obligation de non-concurrence. En effet, selon la société mandante, les fautes graves étaient caractérisées par l’absence de visites, le non-respect des stipulations contractuelles de la convention, l’usurpation des droits sur un nom de domaine ainsi que le dépôt d’une marque concurrente.

 

La Cour d’appel de Nîmes a retenu l’existence de fautes graves du mandataire, constitutives d’un manquement au devoir de loyauté de l’agent commercial. Elle en a alors déduit que cela justifiait que l’agent soit privé de son indemnité compensatrice de fin de contrat, et que soit allouée à la société mandante la somme de 129.040 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice causé par le manquement de l’agent.

 

C’est dans ces conditions que l’agent commercial a formé un pourvoi en cassation, considérant « qu’un même manquement de l’agent commercial à ses obligations, à le supposer établi, ne peut justifier à la fois la suppression de l’indemnité de cessation de contrat et l’allocation de dommages et intérêts au mandant », en ce que cela contreviendrait aux dispositions de l’article 1231-1 du Code civil. Autrement dit, selon l’agent commercial, une seule faute ne pourrait conduire à une double sanction, consistant à la fois en une perte de l’indemnité de fin de contrat et une indemnisation du mandant.

 

Dans son arrêt du 19 octobre 2022, publié au Bulletin, la Cour de cassation a rejeté le pourvoi du mandataire en considérant que « en cas de cessation d’un contrat d’agence commerciale, la perte par le mandataire du fait de sa faute grave, de son droit à réparation, ne prive pas le mandant de la possibilité d’agir en réparation du préjudice que lui a causé cette faute ».

Il en résulte que la faute grave de l’agent peut entraîner deux sanctions, cumulatives :

  • elle prive l’agent commercial de son indemnité de fin de contrat ;
  • elle permet au mandant d’engager la responsabilité contractuelle de l’agent pour obtenir réparation du préjudice résultant de cette faute.

 

La Cour de cassation a ainsi considéré justement que la perte de l’indemnité de cessation de contrat de l’agent commercial pour faute grave ne correspondait pas à la réparation du préjudice causé au mandant par cette faute.

 

En conséquence, la perte du droit à réparation de l’agent commercial n’exclut pas la possibilité, pour le mandant victime du manquement contractuel, d’intenter une action en réparation du préjudice fondée sur l’article 1231-1 du Code civil.

 

A rapprocher :

Cass. com. 16 novembre 2022 n° de pourvoi 21-17.423, affaire Acopal

 

Un article rédigé par Julie Astruc et Loma Pavlon du département Concurrence, Distribution, Consommation