Revirement de jurisprudence sur l’application de l’article 528-1 du Code de procédure civile au recours en révision

Revirement de jurisprudence sur l’application de l’article 528-1 du Code de procédure civile au recours en révision

Cass. civ. 2e, 23 mars 2023, n°21-18.252

 

Ce qu’il faut retenir :

La Cour de cassation opère par le présent arrêt un revirement de jurisprudence en retenant, désormais, que l’article 528-1 du Code de procédure civile ne s’applique pas au recours en révision. L’irrecevabilité d’un recours en révision ne peut dès lors être prononcée sur le fondement de ce texte car le délai d’un tel recours, qui est de deux mois, ne court qu’à compter du jour où la partie a eu connaissance de la cause de révision qu’elle invoque.

 

Pour approfondir :

L’article 528-1 du Code de procédure civile dispose que si un jugement n’a pas été notifié dans le délai de deux ans de son prononcé, et que ce délai a expiré, la personne ayant comparu n’est plus recevable à exercer un recours à titre principal.

Auparavant, la jurisprudence retenait que cette disposition s’appliquait tant aux voies de recours ordinaires qu’extraordinaires. Une partie ayant comparu ne pouvait donc être déclarée recevable à former un recours en révision contre un jugement non-notifié dans les deux ans de son prononcé une fois ce délai expiré (Cass. civ. 2, 7 juillet 2005, n°03-15.662 ; Cass. civ. 2, 17 mai 2018, n°16-28.742).

Le présent arrêt en date du 23 mars 2023 témoigne d’une révision de cette précédente ligne jurisprudentielle.

En l’espèce, un litige entre le propriétaire d’une maison, la société constructrice ainsi que l’architecte avait donné lieu de multiples décisions, dont un arrêt rendu le 9 octobre 2017 par une cour d’appel.

 

Or, précisément, cet arrêt n’avait pas été notifié dans le délai de deux ans de son prononcé.

Un recours en révision à son encontre avait été exercé par le propriétaire en décembre 2020, à savoir plus de deux ans après son prononcé.

La cour d’appel de Nancy, conformément à la jurisprudence établie et rappelée ci-avant, a retenu l’irrecevabilité du recours en révision du propriétaire, lequel s’est pourvu en cassation.

 

Dans le présent arrêt, la Cour de cassation opère une révision de la solution jurisprudentielle jusqu’alors consacrée, estimant qu’il a lieu « de reconsidérer cette interprétation ».

En se fondant notamment sur l’article 596 du Code de procédure civile, la Haute juridiction rappelle en effet que le délai d’un recours en révision commence à courir à compter du jour où la partie a eu connaissance de la cause de révision qu’elle invoque. La date de notification du jugement ne peut donc constituer le point de départ du délai d’un recours en révision.

 

Elle retient également qu’eu égard à la finalité d’un recours en révision – à savoir faire obstacle au maintien d'une décision de justice, serait-elle irrévocable, qui aurait été obtenue par fraude ou selon un déroulement déloyal de la procédure (CPC, art. 595), objectif qui est donc étranger à celui poursuivi par l'article 528-1 – l’interdiction faite à une partie d’introduire un recours en révision en raison du fait que le jugement n’a pas été notifié dans les deux ans de son prononcé revient à méconnaître l’article 6 § 1 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, relatif au droit à un procès équitable et au droit d’accès au juge.

 

Au regard de ces éléments, la Cour de cassation, opérant un revirement de jurisprudence, juge donc désormais que les dispositions de l’article 528-1 du Code de procédure civile ne sont pas applicables au recours en révision.

Tirant les conclusions de ce revirement, la Cour annule donc l’arrêt rendu par la cour d’appel de Nancy le 25 mai 2021 en ce qu’elle avait déclaré irrecevable le recours en révision du propriétaire.

 

Un article rédigé par Clarence Dommee et Julie Ricau du département Contrats, affaires complexes