Mesure d’exécution inutile ou abusive et date d’appréciation de l’abus par le JEX

Mesure d’exécution inutile ou abusive et date d’appréciation de l’abus par le JEX

Cass. civ. 2e, 20 oct. 2022, n° 20-22.801

 

Ce qu’il faut retenir :

Il appartient au juge de l’exécution, saisi d’une demande de mainlevée de la mesure inutile ou abusive, de se placer au jour où il statue. Ce dernier doit donc prendre en considération tous les événements postérieurs à la mise en œuvre de la mesure d’exécution dans l’appréciation de son caractère abusif ou inutile.

 

Pour approfondir :

 

En l’espèce, un jugement a été rendu par le juge aux affaires familiales le 19 décembre 2020 dans le cadre d’une procédure de divorce.

L’un des époux a interjeté appel de ce jugement et signifié ses premières conclusions d’appel à l’intimée, alors non constituée, le 11 juin 2020.

Le 11 septembre 2020, cette dernière a déposé ses premières conclusions d’intimée contenant un appel incident devant la cour d’appel.

Le conseiller de la mise en état (CME) a, par ordonnance, déclaré d’office irrecevables toutes les conclusions que pourrait déposer l’intimée postérieurement au 11 septembre 2020.

L’intimée a déféré à la cour d’appel ladite ordonnance.

Dans un arrêt du 18 février 2021, la cour d’appel a rejeté le déféré.

Les juges du fond ont en effet rappelé qu’en application de l’article 954 du Code de procédure civile, seul le dispositif des conclusions devait être pris en considération.

Or, la cour d’appel a en l’espèce retenu que l’espèce le dispositif des conclusions signifiées par l’intimée le 11 septembre 2020 mentionnait « il est demandé au conseiller de la mise en l’état ».

 

La cour d’appel jugeant que les règles de procédure civile étaient édictées afin de garantir aux parties, dans un cadre de sécurité juridique, un procès équitable, a dès lors considéré que les conclusions de l'intimée du 11 septembre 2020 mentionnant, par erreur, le CME, ne l’avaient pas saisie et, de surcroît, que le délai pour conclure n’ayant pas été suspendu, l’intimée n’avait pas conclu dans le délai qui lui était imparti.

La cour d’appel a également retenu que l’indication « plaise à la cour » dans le corps des conclusions ne permettait pas de corriger cette référence erronée au CME dans le dispositif.

L’intimée s’est pourvue en cassation.

 

Au soutien de son pourvoi, celle-ci rappelait que les conclusions exigées par l’article 909 du Code de procédure civile sont celles adressées à la cour d’appel qui sont remises au greffe et notifiées dans les délais prévus par ce texte, qui déterminent l’objet du litige.

En l’espèce, l’intimée estimait que d’une part, ses conclusions, qui contenaient une demande de réformation partielle du jugement entrepris, des prétentions ainsi que des moyens sur le fond, déterminaient donc bien l’objet du litige et que d’autre part, elles avaient été transmises à la cour d’appel par la voie du RPVA dans le délai de 3 mois à compter de la notification des conclusions de l’appelant, de sorte que la cour d’appel était bien saisie desdites conclusions ce, malgré la référence erronée au CME dans leur dispositif.

L’intimée estimait en effet que la cour d’appel, en statuant comme elle l’avait fait relativement à cette mention erronée au CME, avait rajouté une condition que le texte ne comportait pas et ainsi violé les articles 909 et 910-1 du Code de procédure civile.

 

Par le présent arrêt du 20 octobre 2022, la Cour de cassation casse et annule l’arrêt d’appel au visa de l’article 910-1 du Code de procédure civile.

La Haute juridiction estime en effet, au vu d’une part, du contenu des conclusions d’appel de l’intimée – à savoir pour rappel, la demande de réformation partielle, la mention des prétentions et des moyens sur le fond – et d’autre part, de la transmission desdites conclusions dans les délais impartis, selon les exigences requises, que la cour d’appel, qui était effectivement saisie desdites conclusions, ne pouvait que les déclarer recevables et ce, malgré la référence erronée du CME.

En d’autres termes, la Cour de cassation considère ainsi que les conclusions qui mentionnent, certes par erreur, le CME dans leur dispositif en lieu et place de la cour, mais qui déterminent bien, dans leur corps, l’objet du litige devant la cour conformément aux exigences légales sont, par conséquent, pleinement recevables et saisissent effectivement la cour d’appel.

 

Cet arrêt s’inscrit en réalité dans la lignée de la jurisprudence de la Cour de cassation en cette matière, laquelle fait preuve d’une certaine souplesse et écarte tout formalisme excessif.

Notons en effet que la Cour de cassation avait déjà pu admettre la recevabilité de conclusions d’appel qui indiquaient un numéro de répertoire général (RG) erroné (Cass. 2e civ., 30 sept. 2021, n° 20-15.057).

 

À rapprocher :

CPCE, art. L.117-7 ; CPCE, art. L.121-2

 

Un article rédigé par Julie Ricau du département Contrats, affaires complexes