L’utilisateur d’une plateforme de services de cryptomonnaie est un consommateur au sens du Règlement Bruxelles I bis

Ce qu’il faut retenir :

 

Une personne qui ouvre un compte sur une plateforme dédiée aux cryptomonnaies pour notamment bénéficier d’une part d’un portefeuille en ligne et d’autre part de bénéficier du moyen technique de réaliser des opérations de conversion de cryptomonnaie (plateforme de wallet et d’exchange) est un consommateur au sens du Règlement Bruxelles I bis.

 

Pour approfondir :

 

Dans un arrêt important du 21 octobre dernier, la Cour d’appel de Montpellier avait à se prononcer sur la compétence territoriale des juridictions montpelliéraine dans une affaire de piratage d’un portefeuille de cryptomonnaies ayant donné lieu à un vol de l’équivalent de 300.000 euros.

 

 

En l’espèce, le titulaire du portefeuille ouvert auprès d’une société Lituanienne avait assigné cette dernière devant le TGI de Montpellier après que son portefeuille a été piraté. Il demandait réparation de son préjudice financier, estimé à 300.000 euros, arguant que cette dernière avait manqué à ses obligations de vigilance et de sécurité.

 

Par des conclusions d’incident, la société Lituanienne a demandé au Tribunal de se déclarer incompétent, le contrat la liant au titulaire du portefeuille comprenant une clause d’attribution de compétence. Le Tribunal a rendu une ordonnance constatant l’incompétence du tribunal judiciaire de Montpellier pour trancher le litige. C’est ainsi que la Cour d’appel a été saisie sur la seule question de la compétence.

 

Afin de résoudre la question de la compétence, la Cour d’appel a eu à se prononcer sur la qualité de consommateur du titulaire du compte.

 

Tout d’abord la Cour d’appel énonce que :

 

« seuls les contrats conclus en dehors de toute activité ou finalité d’ordre professionnel, dans l’unique but de satisfaire aux propres besoins de consommation privée d’un individu relevant du régime particulier prévu par le règlement en matière de protection du consommateur en tant que partie réputée faible, une telle protection ne se justifiant pas en cas de contrat ayant comme but une activité professionnelle. »

 

Pour autant, le raisonnement qui suit est assez surprenant. En effet, la Cour d’appel relève que le titulaire du compte :

 

  • A réalisé des opérations régulières de conversion de cryptomonnaies (environ 900, soit une moyenne de 3 opérations par jour) entre novembre 2017 et août 2018, lui ayant procuré un gain minimum au 23 août 2018 de plus de 300 000 euros ;

 

  • A rejoint une fondation à but non lucratif dédiée au développement du protocole NEM, qui est une « plateforme de services basés sur la technologie blockchain. Le protocole inclut des systèmes de paiement multi-signatures (sécurise les fonds communautaires), messagerie, fabrication d’actifs (ou de tokens dérivés en sidechain), et de noms de domaines (à l’image du réseau internet mondial) » , dont il a été membre du Conseil d’administration ;

 

  • A reçu, après avoir participé au développement de ce protocole, un don de 2 250 000 XEM, crypto-monnaie liée au protocole NEM ;

 

  • A participé au développement d’un autre protocole lié et à la rédaction du livre blanc d’un autre projet crypto lié ;

 

  • A réalisé des opérations de conversion s’apparentant à des activités d’achat-vente lui ayant procuré des profits ;

 

  • Ne justifie pas exercer une activité professionnelle quelconque, l’importance des sommes qu’il a reçu en créant son portefeuille de crypto-monnaies laissant présumer qu’il s’agissait de sa seule source de revenus.

 

Pour autant, la Cour énonce clairement que ces éléments de fait, laissant à penser que l’ouverture du compte sur la plateforme est bien en lien avec une activité qualifiable de professionnel, sont insuffisants à lui dénier la qualité de consommateur dès lors qu’il n’a pas déclaré officiellement cette activité et ne l’a pas non plus exercée au bénéfice de tiers, cette activité s’inscrit donc « dans le cadre de la gestion d’un patrimoine privé ».

 

Plus encore, la Cour relève que s’il est indéniable que le titulaire dispose de connaissances particulières en crypto-monnaies, il a participé au développement du projet NEM à titre bénévole, le don de XEM ne constituant visiblement pas une rémunération à ses yeux.

 

Elle conclue enfin énonçant que

 

« C’est, en conséquence, à tort, que le premier juge a considéré que l’opération financière réalisée par Monsieur Z-F et au cours de laquelle il a été victime d’un piratage conduisant au débit de son compte de plus de 300 000 euros s’inscrivait dans un cadre professionnel, l’excluant des dispositions protectrices concédées aux consommateurs et a donc déclaré incompétent le tribunal judiciaire de Montpellier pour statuer sur le litige. La décision entreprise doit donc être infirmée en toutes ses dispositions.

 

Statuant à nouveau et Monsieur Z-F ayant bien la qualité de simple consommateur excluant l’application de la clause attributive de compétence contenue dans le contrat liant les parties ».

 

A voir ce que le Tribunal décidera sur le fond du dossier.

 

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