Licenciement nul et examen des autres griefs de la lettre de licenciement par le juge

Licenciement nul et examen des autres griefs de la lettre de licenciement par le juge

Cour de cassation, chambre sociale, 19 octobre 2022, n°21-15.533

 

Ce qu’il faut retenir :

 

Lorsque le juge déclare un licenciement nul au motif que l’un des griefs de la lettre de licenciement porte atteinte à une liberté fondamentale, il peut prendre en compte les autres griefs de ladite lettre pour minorer l’indemnisation versée au salarié, à la condition toutefois que l’employeur en fasse la demande.

 

Pour approfondir :

 

Dans cet arrêt, la Cour de cassation se prononce pour la première fois sur les dispositions de l’article L.1235-2-1 selon lequel « en cas de pluralité de motifs de licenciement, si l’un des griefs reprochés au salarié porte atteinte à une liberté fondamentale, la nullité encourue de la rupture ne dispense pas le juge d’examiner l’ensemble des griefs énoncés, pour en tenir compte, le cas échéant, dans l’évaluation qu’il fait de l’indemnité à allouer au salarié ».

 

L’affaire concernait une salariée qui avait sollicité la résiliation judiciaire de son contrat de travail et l’annulation de l’avertissement qu’elle s’était vue notifier. L’employeur l’avait licenciée par la suite en mentionnant notamment son action en justice et les conséquences néfastes de celle-ci sur l’entreprise.

 

La Cour d’appel de Nancy a jugé que ce licenciement était nul, conformément à la jurisprudence selon laquelle le licenciement d’un salarié motivé - ne serait-ce qu’en partie – par la procédure judiciaire initiée par ce dernier, porte atteinte à sa liberté fondamentale d’agir en justice.

 

Au soutien de son pourvoi, l’employeur faisait valoir que la Cour aurait dû examiner les autres motifs du licenciement dans le cadre de l’évaluation de l’indemnité octroyée à la salariée.

 

La réponse de la Cour régulatrice est très claire. Rappelant les termes de l’article L. 1235-2-1 du Code du travail précité, elle précise que :

 

« Ces dispositions offrent ainsi à l'employeur un moyen de défense au fond sur le montant de l'indemnité à laquelle il peut être condamné, devant être soumis au débat contradictoire.

 

Il en résulte que, lorsque l'employeur le lui demande, le juge examine si les autres motifs invoqués sont fondés et peut, le cas échéant, en tenir compte pour fixer le montant de l'indemnité versée au salarié qui n'est pas réintégré, dans le respect du plancher de six mois prévu par l'article L. 1235-3-1.

 

Après avoir retenu que l'un des griefs invoqués par l'employeur portait atteinte à la liberté fondamentale de la salariée d'agir en justice et constaté que l'employeur ne critiquait pas à titre subsidiaire la somme réclamée par cette dernière en conséquence de la nullité du licenciement, la cour d'appel a apprécié souverainement le montant du préjudice. »

 

En l’espèce, l’employeur aurait donc dû formuler sa demande auprès du juge, ce qu’il n’a pas fait. Celui-ci ne pouvait donc ce moyen d’office. Cette décision est d’un apport pratique très intéressant pour la défense en justice des employeurs. Il faut ainsi adopter le reflexe, dans le cadre d’un contentieux relatif à la nullité d’un licenciement, de solliciter - à titre subsidiaire - que l’indemnité du salarié soit évaluée en tenant compte des autres griefs de la lettre de licenciement.

 

A rapprocher :

Article L. 1235-2-1 du Code du travail.

 

Un article rédigé par Annaël Bashan et Morgane Tarisse du département droit Social