La désignation du débiteur par l’ordonnance du juge-commissaire en qualité de partie devant saisir la juridiction compétente pour trancher le litige, n’est pas exclusive de la qualité pour agir des autres parties.

Ce qu’il faut retenir :

En présence d’une contestation sérieuse de la créance déclarée relevée par le Juge-commissaire, l’action introduite - non par le débiteur pourtant désigné par l’ordonnance - mais par le liquidateur judiciaire dans le délai d’un mois prescrit par l’article R. 624-5 du code de commerce, est recevable.

 

Pour approfondir : 

En l’espèce, une banque avait déclaré au passif de la procédure collective de sa débitrice, quatre créances composées du capital et des intérêts restants dus au titre de prêts.

Par ordonnance du 18 décembre 2017, le juge-commissaire a admis ces créances pour leur montant en capital restant dû. Pour le surplus, il a constaté le dépassement de son office juridictionnel en présence de la contestation sérieuse soulevée par la société débitrice sur la question des intérêts. Aux termes de son ordonnance, le Juge-commissaire a ainsi invité les parties à mieux se pourvoir et désigné le débiteur comme partie devant la juridiction compétente pour connaître du litige.

Or, dans le délai prescrit par l’article R. 624-5 du code de commerce, ce n’est pas le débiteur mais le liquidateur judiciaire qui a assigné la banque en déchéance du droit aux intérêts contractuels et en responsabilité pour inexécution de son obligation de mise en garde.

Soutenant en vain devant le tribunal puis, devant la cour d’appel, que l’action du liquidateur était irrecevable, la banque s’est dès lors pourvue en cassation, au motif qu’en cette matière (vérification des créances) le débiteur était titulaire d’un droit propre non atteint par l’effet du dessaisissement attaché à la liquidation judiciaire de sorte que le liquidateur judiciaire ne pouvait s’approprier l’action appartenant au débiteur.

La Cour de cassation rejette l’argument de la banque aux termes d’un attendu limpide ; la désignation du débiteur par l’ordonnance du juge-commissaire n’est pas exclusive de la recevabilité de l’action du liquidateur « en sa qualité de représentant de l’intérêt collectif des créanciers » ou de « toute autre partie à cette procédure » pour saisir la juridiction compétente, seule l’absence de saisine de la juridiction compétente par l’une des parties à l’instance en contestation de créance pouvant provoquer la forclusion de l’article R. 624-5 du code de commerce.

Si l’apport de cet arrêt publié au bulletin peut interpeller sur l’utilité de l’exigence d’identification, dans l’ordonnance du juge-commissaire, de la personne à laquelle incombe la saisine de la juridiction compétente, reste qu’il a la vertu de replacer au centre du sujet la question de l’intérêt à agir de chaque partie en matière de vérification des créances. Dans l’intérêt collectif des créanciers, il est pour le moins légitime que le liquidateur judiciaire puisse agir pour ne pas se voir opposer la forclusion de l’action et, par suite, l’admission de la créance au détriment des répartitions.

 

A rapprocher :

Article L.624-2 et R. 624-5 du code de commerce ;

Article 455 du code de procédure civile ;

Com., 5 septembre 2018, n°17-15.978