JO Paris 2024 et violences des supporters : La responsabilité pénale des organisateurs

En bref

Dans le cadre des JO Paris 2024, le Comité d’Organisation des Jeux Olympiques (COJO) a signé un protocole de sécurité avec l’Etat français, répartissant leurs responsabilités en matière de sécurité des participants, infrastructures et spectateurs.  Le COJO, organisateur, sera ainsi responsable de la sécurité des sites et l’Etat sera responsable de la sécurité à l’extérieur de ceux-ci.

Ainsi, en cas de violences commises par un supporter au sein de l’un des sites, le COJO, ainsi que son dirigeant, peuvent voir leur responsabilité pénale engagée pour un manquement à leur obligation de sécurité.

Jets de projectiles, violences entre supporters, propos injurieux, discriminatoires ou haineux, envahissements de terrain, etc. autant de phénomènes qui impactent les évènements sportifs et que craignent les organisateurs des JO Paris 2024.

 

La responsabilité de l’auteur direct des violences

A l’occasion des compétitions et manifestations sportives, il arrive fréquemment que certaines personnes occasionnent des désordres ou soient à l’origine de violences physiques ou verbales. Ces désordres et violences peuvent représenter plusieurs infractions tels que des violences volontaires, des propos injurieux ou diffamants, des incitations à la haine, voire des dégradations, etc.

Lorsqu’il s’agit de violences volontaires, la sanction de l’auteur dépendra du résultat de l’agression mais également des éventuelles circonstances aggravantes telles que la préméditation, l’existence de coauteurs ou l’usage d’une arme. Pour exemple, des violences volontaires ayant entraîné une ITT de plus de 8 jours avec l’usage d’une arme et avec préméditation peuvent être sanctionnées jusqu’à 7 ans d’emprisonnement et 100.000 euros d’amende.

L’auteur des violences sera donc personnellement poursuivi, peu importe l’infraction qu’il a commise au sein de l’enceinte sportive.

 

L’obligation générale de sécurité de l’organisateur

L’organisateur d’une compétition ou d’une manifestation sportive, qu’il s’agisse d’une fédération, d’une ligue professionnelle, d’un club, d’une société privée ou du COJO, est tenu à une obligation générale de sécurité à l’égard de l’ensemble des participants et des spectateurs.

Il doit ainsi disposer d’installations et d’équipements en bon état et adaptés, employer un encadrement de qualité en quantité suffisante et notamment en matière de personnel de sécurité, et doit strictement respecter l’ensemble des réglementations en matière de sécurité.

Les organisateurs de manifestations sportives à but lucratif peuvent être tenus d’assurer un service d’ordre et, à ce titre, ils peuvent refuser ou annuler la délivrance de titres d’accès à des manifestations ou en refuser l’accès (liste des interdits de stade)[1]. La surveillance de l’accès aux enceintes dans lesquelles est organisée une manifestation sportive rassemblant plus de 300 spectateurs est assurée par des sociétés de sécurité privée[2].

Au-delà des sanctions pénales encourues par les organisateurs en cas de méconnaissance de certaines règles relatives à la sécurité, les violences commises dans les enceintes, notamment lorsqu’elles ont causé des blessures ou la mort, peuvent conduire à l’engagement de la responsabilité pénale de l’organisateur pour blessures ou homicide involontaires.

 

La responsabilité pénale du dirigeant

Si le dirigeant de l’organisateur de l’évènement peut être pénalement poursuivi pour un acte qu’il a personnellement commis, il peut également l’être, notamment pour blessures ou homicide involontaire, lorsqu’il a commis une défaillance dans l’organisation de la manifestation. Cette défaillance doit constituer une violation manifestement délibérée d’une obligation particulière de prudence ou de sécurité (ex : défaut d’autorisation administrative, manquement aux règles de sécurité, etc.) ou une faute caractérisée, à défaut de quoi sa responsabilité pénale ne peut être engagée.

Ce dernier peut toutefois s’exonérer de cette responsabilité pénale en rapportant la preuve d’une délégation de pouvoirs. Dès lors, la responsabilité pénale pèse sur le délégataire[3], qui pourra lui-même s’exonérer en rapportant la preuve d’une subdélégation[4].

Pour produire ses effets, la délégation, ou la subdélégation, doit répondre à certaines conditions. Elle doit être nécessaire, supposer un lien de subordination, avoir été acceptée et le délégataire doit avoir les compétences, l’autorité et les moyens nécessaires pour exercer la mission qui lui a été confiée.[5]

 

La responsabilité pénale de la personne morale

Que la responsabilité pénale du dirigeant ou du délégataire soit engagée ou non, la personne morale peut engager sa responsabilité pénale lorsque l’un de ses organes ou représentants a commis, pour son compte, une infraction, qu’il s’agisse de violences ou d’homicides involontaires[6], et ce même en l’absence de faute délibérée ou caractérisée de la personne physique[7]. L’organe ou le représentant correspond au dirigeant de l’organisateur ou à un éventuel délégataire, et le manquement doit être commis dans le cadre de l’activité de l’entreprise.

Par exemple, à la suite du décès d’un supporter lié à un fumigène, un club de foot a été condamné pour homicide involontaire en raison d’un service d’ordre insuffisant et d’une séparation insuffisante entre les supporters[8].

La sanction de la personne morale pourra s’élever au quintuple de l’amende prévue pour les personnes physiques.

 

Mes préconisations :

    • Réaliser un audit de la sécurité des installations sportives ;
    • Réaliser une cartographie des risques pénaux liés aux manifestations sportives ;
    • Etablir une chaine de délégation de pouvoirs appropriée.

 

Un article rédigé par Julie Guenand, avocate en droit pénal de l'entreprise chez Simon Associés.

 

[1] Article 121-2 du code pénal

[2] Cass, crim, 28 avril 2009, 08-85.640

[3] CA Lyon, 16 décembre 1988

[4] Cass, crim, 11 mars 1993, n° 991-80.598

[5] Cass, crim, 30 octobre 1996, n° 94-83.650

[6] Cass, crim, 19 janvier 1988, n° 87-83.315 ; Cass, crim, 23 novembre 2004, n° 04-81.601

[7] Article L.332-1 du code du sport

[8] Article L.332-2 du code du sport