Inapplicabilité du droit de préférence du preneur d’un bail commercial en cas de vente de gré à gré de l’actif immobilier en liquidation judiciaire

Inapplicabilité du droit de préférence du preneur d’un bail commercial en cas de vente de gré à gré de l’actif immobilier en liquidation judiciaire

Cass. civ. 3e, 15 février 2023, n°21-16.475, publié au bulletin

 

Ce qu’il faut retenir :

La vente de gré à gré étant, en liquidation judiciaire, une vente faite d’autorité de justice, le droit de préférence d’ordre public prévu par l’article L. 145-46-1 du code de commerce, est inapplicable.

 

Pour approfondir :

En droit commun du bail commercial, l’article L. 145-46-1 du code de commerce confère un droit de préférence au locataire commercial lorsque le propriétaire du local à usage commercial ou artisanal envisage de le vendre. Ce droit est d’ordre public (Cass. civ. 3e, 28 juin 2018, n°17-14.605). Néanmoins, la Haute juridiction a récemment confirmé que cette disposition ne trouvait pas à s’appliquer en cas de vente de gré à gré par un liquidateur judiciaire.

 

En l’espèce, une procédure de liquidation judiciaire a été ouverte, en 2005, au bénéfice d’une SCI. Dans ce cadre, le juge-commissaire a autorisé le liquidateur judiciaire à vendre un ensemble immobilier. L’acte de vente a été signé en 2018.

 

Un tiers a assigné le liquidateur et l’acquéreur aux fins d’obtenir réparation de la méconnaissance de son droit de préférence ainsi que sa substitution à ce dernier.

Il se prévalait d’un bail commercial consenti par le gérant de la SCI en 2007, soit postérieurement à l’ouverture de la liquidation judiciaire et d’une offre d’achat, adressée au liquidateur en 2009 pour un montant supérieur à celui de la vente.

 

La cour d’appel de Nîmes a, le 3 mars 2021, rejeté ses demandes en retenant que le tiers preneur ne peut se prévaloir d’un droit de préemption en l’absence d’occupation légitime.

Aux termes de son pourvoi, ce-dernier argue que les juges du fonds auraient confondu inopposabilité aux organes de la procédure et nullité du contrat de bail conclu postérieurement à l’ouverture de la liquidation judiciaire violant alors les dispositions des articles L. 641-9, I et L. 145-46-1 du code de commerce.

 

La Cour de cassation, dans son arrêt du 15 février 2023, publié au bulletin, rejette le pourvoi du preneur : la vente de gré à gré d’un actif immobilier dépendant d’une liquidation judiciaire est, en vertu de l’article L. 642-18 du code de commerce, une vente faite d’autorité de justice, qui ne peut donner lieu à l’exercice du droit de préférence par un locataire commercial.

 

En effet, lorsque le liquidateur réalise le bien, le bailleur n’envisage pas réellement de le vendre, ce qui est une condition de l’application de l’article L. 145-46-1 susmentionné.

Par cette décision, la troisième chambre civile s’aligne avec la solution précédemment dégagée par la chambre commerciale de la Cour de cassation (Cass. com., 23 mars 2022, n°20-19.174).

 

Cette solution semble pouvoir être étendue, selon la doctrine avisée, à tout dispositif légal ou conventionnel se déclenchant en cas de vente volontaire, comme les pactes de préférence ou encore les promesses unilatérales (J. Théron, Une belle anomalie procédurale à l’origine d’une belle solution de fond : la cession de gré à gré, exclusive des règles de la vente volontaire, BJE juill. 2022, n° BJE200q7 ; F.-X. Lucas, Pas de droit de préemption du preneur en cas de vente de gré à gré, LEDEN avril 2022, n° DED200t2).

 

Un article rédigé par Romane Holsynder, du département Entreprises en difficulté et Retournement