François-Luc SIMON, cofondateur et codirigeant de Simon Associés, Docteur en droit : "L'avocat doit être de plus en plus spécialisé"

Interview de François-Luc SIMON parue dans Le Journal du Management N°80 - Janvier-Février 2021 (p. 7) :

"QUELLE PLACE OCCUPE LA DISTRIBUTION ET LA FRANCHISE DANS VOTRE ACTIVITÉ ?

Notre cabinet compte actuellement 70 avocats dans une douzaine de départements, dont les deux départements prépondérants que sont « Distribution, concurrence, consommation » et « Entreprises en difficulté ». Nous sommes particulièrement identifiés en droit de la franchise, côté franchiseurs, puisque nous accompagnons un très grand nombre des gros réseaux.

La franchise est une discipline particulière parce qu’elle n’est pas enseignée à l’Université, en dehors de quelques heures perdus dans certains cursus de 3è cycle. C’est comme si, à la fac de médecine, il n'y avait rien sur le pied ; il ne faudrait pas avoir un problème au pied. Les avocats en franchise sont donc une denrée rare. Même pour nous, il est difficile de trouver dans ce domaine
des collaborateurs de qualité et qui aiment ce qu’ils font. Je me suis moi-même formé par accident à cette spécialité, parce que j’ai eu deux grosses franchises comme clients, que j’ai aidées à sortir de leur problème, et j’ai alors réalisé qu’il y avait très peu d'avocats dans ce domaine du droit. C’était il y a 25 ans. Depuis lors, la franchise s’est beaucoup développée en France, et notre activité aussi.

Avec les entreprises de franchise, l’interaction avec les dirigeants et les actionnaires est constante, il y a beaucoup de confiance qui naît et nous sommes sollicités sur beaucoup d’autres sujets, jusque sur des dossiers internationaux. Nous avons eu également plusieurs dossiers de cyberattaque en 2020 pour certains de ces réseaux de franchise. Sachant que c’est un domaine qui, comme
le droit de la franchise, n’a pas de cursus à l’Université, les entreprises sont ravies d’avoir recours à notre expertise sur ce sujet. De la même manière, nous sommes très demandés lorsque des franchises rencontrent des difficultés économiques – plan de sauvegarde… – parce que nous une expertise « Entreprises en difficulté » particulièrement reconnue et pointue.

Il nous faut être de plus en plus spécialisés, parce que les équipes juridiques de nos clients deviennent elles-mêmes de plus en plus importantes et performantes. Ils ne vont donc plus faire appel à des cabinets d’avocats que pour des spécialisations très avancées. Pour répondre à cela, nous recrutons des experts hyper spécialisés, et nous organisons la formation en interne pour stimuler cette expertise, en demandant par exemple à des professeurs de droit de nous challenger sur des sujets très poussés.

QUELLES ÉVOLUTIONS OBSERVEZ-VOUS CHEZ VOS CLIENTS ?

La période de Covid a permis aux enseignes de renforcer leur digitalisation, et cela va rejaillir sur les contrats. Il faut juste attendre un peu mais on va voir cela rentrer de plus en plus dans les mœurs, donc dans les contrats de distribution, et pas seulement dans les contrats de franchise.

Un autre élément que l’on voit se développer dans les contrats de distribution sont les KPI, les key performance indicators. Alors que, il y a dix ans, on ne disposait que d’indicateurs incertains, lacunaires et tardifs, ces solutions sont désormais très bien faites, et suffisamment ludiques pour que les gens les utilisent. Aujourd'hui, tout est mesurable et comparable en temps réel, les distributeurs disposent donc d’informations instantanées, précises et fiables, et on voit arriver ces KPI dans les contrats. Les acteurs économiques vont donc nous demander d’intégrer intelligemment ces KPI pour modifier certains aspects de la relation contractuelle. On peut très bien imaginer qu'un franchisé dont les indicateurs seraient mauvais ne puisse pas renouveler son contrat, ou voit son contrat résilié, ou, plus modestement, se voit refuser un avantage qu'on accorderait à un autre qui respecterait davantage le produit et le concept. C’est là le triomphe de la méritocratie."