L’extension de l’exigence de conformité à l’intérêt social des actes accomplis par le gérant d’une société civile

L’extension de l’exigence de conformité à l’intérêt social des actes accomplis par le gérant d’une société civile

Cass, 3e civ., 11 janvier 2023, n°21-22-174

 

Ce qu'il faut retenir :

Dans une société civile, les actes accomplis par le gérant ne peuvent engager la société si, étant de nature à compromettre son existence même, ils sont contraires à l’intérêt social.

 

Pour approfondir :

L’arrêt du 11 janvier 2023 de la troisième Chambre civile de la Cour de cassation intervient dans la continuité d’un précédent arrêt rendu par Chambre commerciale de la Cour de cassation du 8 novembre 2011 qui conditionnait l’octroi d’une sûreté pour autrui accordée par une société civile à sa conformité à l’intérêt social.

La notion d’intérêt social est visée à l’article 1833 alinéa 2 du Code civil, selon lequel « la société est gérée dans son intérêt social, en prenant en considération les enjeux sociaux et environnementaux de son activité ».

 

L’arrêt du 11 janvier 2023 qui fait l’objet du présent commentaire opère une extension de cette exigence de conformité à l’intérêt social pour l’ensemble des actes accomplis par le gérant d’une société civile.

 

En l’espèce, deux personnes avaient constitué par acte notarié, une société civile immobilière (SCI) ; la première étant titulaire de 135 parts sociales et la seconde, également gérant, de 15 parts sociales.

 

Par la suite, représentée par son gérant, la société a acquis un bien immobilier et a contracté un prêt relais auprès d’une banque d’un montant de 384 000€ qu’elle a garanti par l’inscription d’une hypothèque sur le bien immobilier appartenant à la société.

 

Toutefois, en raison de l’absence de paiement des échéances du prêt, la banque a engagé une procédure de saisie immobilière contre la société. Considérant que l’associé minoritaire avait détourné les fonds du prêt, l’associé majoritaire a demandé à être gérant.

En tant que représentant de la société, le nouveau gérant a ainsi assigné en justice la banque afin que l’hypothèque soit radiée et que le prêt et les actes subséquents soient annulés ou inopposables.

 

Dans un arrêt du 1er juillet 2021, la Cour d’appel d’Aix en Provence a rejeté les demandes de la société aux motifs qu’il n’était pas établi, lors de la conclusion du contrat de prêt, que la banque pouvait avoir connaissance de la fraude réalisée par le gérant de la société.

 

Par un arrêt en date du 11 janvier 2023, la troisième Chambre civile de la Cour de cassation casse partiellement l’arrêt de la Cour d’appel d’Aix en Provence au visa de l’article 1849 alinéa 1er du Code civil, considérant que « les actes accomplis par le gérant ne peuvent engager la société si, étant de nature à compromettre son existence même, ils sont contraires à l’intérêt social, y compris lorsqu’ils entrent dans son objet statutaire ».

 

Plus précisément, la Cour de cassation considère que la Cour d’appel aurait dû rechercher si le prêt souscrit n’était pas contraire à l’intérêt social de la SCI, « eu égard au montant de l’emprunt et à l’inscription hypothécaire prise sur son seul immeuble ».

Ainsi, la Cour de cassation érige un principe selon lequel les actes accomplis par le gérant ne peuvent pas engager la société dès lors qu’ils sont contraires à l’intérêt social, peu important qu’ils entrent dans son objet statutaire. Elle considère notamment à ce titre que sont contraires à l’intérêt social les actes qui compromettent l’existence même de la société.

 

A rapprocher :

Article 1833 alinéa 2 du Code civil
Article 1849 alinéa 1er du Code civil
Cass. com., 8 novembre 2011, n°10-24.438

 

Un article rédigé par Garance Casacci et Patrice Montchaud, du département Société, Finance, Cessions & Acquisitions