Conformité à la Constitution des dispositions de l’article L. 442-1, I, 1° du Code de commerce relatives à l’avantage sans contrepartie

Conformité à la Constitution des dispositions de l’article L. 442-1, I, 1° du Code de commerce relatives à l’avantage sans contrepartie

Décision n° 2022-1011 QPC du 6 octobre 2022

 

Ce qu’il faut retenir :

Les dispositions relatives à la notion d’avantage sans contrepartie, ou manifestement disproportionné au regard de la valeur de la contrepartie consentie, sont jugées conformes à la Constitution.

 

Pour approfondir :

Dans le cadre d’une affaire portée devant le Tribunal de Commerce de Paris, une société de plateforme en ligne a soulevé une Question Prioritaire de Constitutionnalité (QPC) relative à la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution de l’article L 442-1, I, 1° du Code de commerce, lequel prévoit :

« I. - Engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé le fait, dans le cadre de la négociation commerciale, de la conclusion ou de l'exécution d'un contrat, par toute personne exerçant des activités de production, de distribution ou de services : 1° D'obtenir ou de tenter d'obtenir de l'autre partie un avantage ne correspondant à aucune contrepartie ou manifestement disproportionné au regard de la valeur de la contrepartie consentie (…) ».

 

Cette QPC a été transmise par la Cour de cassation au Conseil Constitutionnel par un arrêt du 7 juillet dernier.

La société requérante reprochait à ces dispositions de méconnaître la liberté contractuelle et la liberté d’entreprendre, en ce qu’elles permettraient au juge de procéder à un contrôle des conditions économiques de toute relation commerciale, qui relèvent en principe de la libre négociation entre les parties.

 

Celle-ci soulignait également l’absence de prévision du seuil à partir duquel est caractérisé un tel avantage sans contrepartie. Pour ce dernier motif, selon elle, les dispositions contestées méconnaîtraient l’objectif à valeur constitutionnelle d’accessibilité et d’intelligibilité de la loi, dès lors qu’elles laissaient au juge toute latitude pour caractériser cet avantage.

Enfin, la société requérante soutenait qu’au regard de l’imprécision des termes et des sanctions prévues, ces dispositions méconnaissaient le principe de légalité des délits et des peines.

 

Le Conseil Constitutionnel considère que les dispositions de l’article L. 442-1, I, 1° du Code de commerce sont conformes à la Constitution.

 

Concernant la liberté d’entreprendre et la liberté contractuelle, le Conseil Constitutionnel rappelle que le législateur peut y porter « des limitations liées à des exigences constitutionnelles ou justifiées par l’intérêt général, à la condition qu’il n’en résulte pas d’atteintes disproportionnées au regard de l’objectif poursuivi ».

Il admet que par ces dispositions, le législateur avait entendu « préserver l’ordre public économique, réprimer certaines pratiques restrictives de concurrence et assurer un équilibre des relations commerciales », et qu’il avait « ainsi poursuivi un objectif d’intérêt général ».

Faisant preuve de pédagogie, le Conseil Constitutionnel opère un véritable contrôle de proportionnalité entre les intérêts en présence.

 

Si la société requérante ainsi qu’une partie de la doctrine dénonçaient l’interventionnisme du législateur dans les relations d’affaires, affirmant que ces dispositions conduisaient à instaurer « un contrôle généralisé de la lésion » ou une « fixation judiciaire des prix », le Conseil Constitutionnel ne rejoint pas cette position. Il avance que les dispositions contestées ne confèrent au juge aucun pouvoir de révision de prix, et qu’elles ne visent qu’à prohiber une pratique restrictive de concurrence déterminée.

 

Concernant le principe de légalité des délits et des peines, le Conseil Constitutionnel s’est également voulu pédagogue en rappelant en premier lieu le caractère général du principe, « qui ne concerne pas seulement les peines prononcées par les juridictions pénales mais s’étend à toute sanction ayant le caractère d’une punition ».

Il a ainsi été jugé que la notion d’avantage « manifestement disproportionné au regard de la valeur de la contrepartie consentie » ne présentait pas de caractère imprécis ou équivoque, le législateur reprenant un standard juridique classique. Le grief tiré de la méconnaissance du principe de légalité des délits et des peines a en ce sens été écarté.

 

Gage de sécurité juridique, cette décision s’inscrit dans la même logique que celle rendue dans le cadre du contrôle de constitutionnalité des dispositions relatives au déséquilibre significatif, alors que la liberté d’entreprendre et la liberté contractuelle étaient également en cause (Décision n° 2018-749 QPC du 30 novembre 2018).

Ainsi, au travers de ce développement succinct, le Conseil Constitutionnel pose un raisonnement clair, sinon lacunaire pour certains, qui regrettent le manque de motivation de la décision rendue.

 

À rapprocher :

Décision n° 2018-749 QPC du 30 novembre 2018

 

Un article rédigé par Loma Pavlon et Claire Saadoun du département Concurrence, Distribution, Consommation