Avantage sans contrepartie : la Cour de cassation précise le champ d’application de l’article L. 442-6, I. (ancien) du code de commerce

Avantage sans contrepartie : la Cour de cassation précise le champ d’application de l’article L. 442-6, I. (ancien) du code de commerce

Cass. com., 11 janv. 2023, n°21-11.163

 

Ce qu’il faut retenir :

Dans cet arrêt publié au Bulletin officiel, la Cour de cassation précise que les dispositions de l’article L. 442-6, I. 1° (ancien) du code de commerce relatives à l’avantage sans contrepartie s’appliquent dans le cadre de relations de sous-traitance, et quelle que soit la nature de l’avantage en cause. Ainsi, elles s’appliquent aux réductions de prix obtenues d’un partenaire commercial. 

 

Pour approfondir :

 

Un constructeur de maisons individuelles appliquait à ses sous-traitants une remise systématique de 2 % au titre du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi, et s’octroyait par ailleurs un escompte de 3 % pour les factures réglées en retard.

Considérant que ces pratiques contrevenaient aux dispositions de l’article L. 442-6, I, 1° du code de commerce, dans sa version antérieure à l’ordonnance n°2019-359 du 24 avril 2019, le ministre de l’Economie a assigné ce constructeur en justice.

 

A cette occasion, la Commission d’examen des pratiques commerciales (CEPC) a été consultée par les juges de première instance et a considéré que les pratiques litigieuses contrevenaient à la fois aux dispositions de l’article L. 442-6, I, 1° (ancien) relatives à l’avantage sans contrepartie, et aux dispositions de l’article L. 442-6, I, 2° (ancien) relatives au déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties (CEPC, avis n°18-6 du 7 juin 2018).

 

Le constructeur estimait quant à lui que les dispositions du code de commerce relatives aux pratiques restrictives de concurrence n’étaient pas applicables aux relations de sous-traitance, au motif que le régime spécial des contrats de sous-traitance institué par le code de la construction et de l’habitation était incompatible avec celles-ci.

Dans son arrêt du 4 novembre 2020, la Cour d’appel de PARIS a rejeté cet argument et considéré que les dispositions du code de commerce s’appliquaient aux relations de sous-traitance.

 

Elle a toutefois retenu une analyse contraire à l’avis de la CEPC en considérant que l’article L. 442-6, I, 1° (ancien) du code de commerce n’était pas applicable. Elle affirmait à cette occasion que lorsque le prix n’a pas fait l’objet d’une libre négociation, son contrôle judiciaire ne peut pas s’effectuer en dehors d’un déséquilibre significatif. Pour fonder son analyse, la Cour d’appel citait le Conseil constitutionnel et la Cour de cassation, lesquels ont posé le principe selon lequel le juge peut exercer un contrôle sur les prix au visa de l’article L. 442-6, I, 2° (ancien) du code de commerce (Cons. constit, QPC, n° 2018-749 ; Cass. com. 25 janv. 2017, n°15-23.547).

 

Sur pourvoi du ministre de l’Economie, la Cour de cassation a partiellement cassé l’arrêt rendu par la Cour d’appel de PARIS, apportant deux précisions utiles quant à l’application de l’article L. 442-6, I. (ancien) du code de commerce.

Dans un premier temps, la Cour de cassation a suivi l’argumentation retenue par la Cour d’appel en affirmant que les relations de sous-traitance entrent dans le champ d’application de l’article L. 442-6, I (ancien) du Code de commerce, ce texte n’édictant aucune règle incompatible avec les dispositions du code de la construction et de l’habitation.

Dans un second temps, la Cour de cassation a rejeté l’analyse déployée au sein du jugement d’appel, quant à l’applicabilité de l’avantage sans contrepartie aux réductions de prix obtenues d’un partenaire commercial.

 

Pour cela, elle s’en est tenue à la lettre du texte en affirmant que l’application de l’article L. 442-6, I, 1° (ancien) du code de commerce « exige seulement que soit constatée l’obtention d’un avantage quelconque ou la tentative d’obtention d’un tel avantage ne correspondant à aucun service commercial effectivement rendu ou manifestement disproportionné au regard de la valeur du service rendu, quelle que soit la nature de cet avantage ».

C’est en effet ce qu’induit la rédaction de l’article L. 442-6, I, 1° (ancien) du code de commerce, en visant un « avantage quelconque ».

 

Une réduction de prix obtenue d’un partenaire commercial peut donc constituer un avantage sans contrepartie.

En conséquence, la Cour de cassation consacre le fait que le contrôle judiciaire du prix peut s’effectuer tant au visa du 1° (avantage sans contrepartie) que du 2° (déséquilibre significatif) de l’article L. 442-6, I (ancien) du code de commerce. La constatation d’un avantage sans contrepartie s’apprécie indépendamment de la qualification d’un déséquilibre significatif.

Cette solution est transposable aux situations soumises aujourd’hui à l’article L. 442-1, I du code de commerce, dans sa version en vigueur.

 

En pratique, l’arrêt de la Cour de cassation commenté implique finalement qu’il est primordial, pour tout professionnel consentant ou obtenant des réductions de prix, de pouvoir en justifier.

 

A rapprocher :

 

Un article rédigé par Julie Astruc du département Concurrence, Distribution, Consommation